La réunion la plus captivante n’exposait pas comment il était possible de la réamorcer, mais pourquoi celle-ci est impérative. Depuis le XIXe, le niveau de vie n’a cessé d’augmenter de manière considérable – tout particulièrement dans notre monde occidental. Quelques-uns remettent donc en cause l’idée que notre société a encore un besoin véritable d’entretenir cette croissance. Ces individus lient en réalité la « croissance » et le matérialisme, le problème des inégalités, à la pollution environnementale. Il y a clairement une confusion. Bien sûr, sans croissance, aujourd’hui, nous n’aurions pas d’hypermarchés, pas plus que de matérialisme ou de publicité intempestive. Toutefois nous ne pourrions pas plus jouir de soins de santé, de liberté, de congés payés. C’est la croissance qui nous autorise nous permettre de travailler bien moins qu’au début du XXe siècle. C’est aussi la croissance qui a fait en sorte que la mortalité infantile n’a encore jamais été aussi basse, qu’un système de sécurité sociale a pu voir le jour, que des pays pauvres sont capables de élever leur système d’enseignement, que la redistribution est possible grâce aux impôts. La croissance pour la croissance ne constitue pas en soi un objectif, la croissance offre des possibilités. La croissance n’est donc qu’un moteur permettant à des hommes, des entreprises ou des Etats d’enjoliver leurs conditions de vie. Leur manière de gérer cette croissance et de fonder leurs priorités résulte en définitive de leur choix personnel. Dans certains pays comme l’Arabie saoudite, l’extension de la richesse totale poussera sans doute à édifier des pistes skiables dans le désert, de magnifiques centres commerciaux ou à l’asphaltage d’un circuit de course automobile. Un pays comme la Chine profitera peut-être d’une plus grande croissance pour acheter des terres cultivables étrangères, racheter des cépages français, construire un système de sécurité sociale ou faire construire un porte-avion. Un pays comme la Suède choisira de étendre la couverture sociale, d’instaurer une période de travail réduite ou de préférer une plus grande protection du climat. Aux États-Unis, une progression du PIB sera probablement affectée au département de la sécurité intérieure et à diminuer les impôts. La croissance n’est donc pas une finalité : ce qui domine, c’est ce que cette croissance offre à la société. Le principe est le même pour les individus. Lorsque l’individu s’enrichit d’un point de vue financier, il est amené à réaliser des choix. Certains utiliseront cette manne pour s’acheter plus de produits de consommation ou une plus grande voiture, pour sortir faire la fête. D’autres privilégieront l’épargne en faveur de leurs enfants et petits-enfants. D’autres encore prendront des produits frais plus coûteux, contribueront à Handicap International ou parraineront directement les pays du tiers-monde. Nous pouvons exécrer certains de ces choix. Nous pouvons avoir une meilleure idée concernant la manière d’user de cette plus grande prospérité. Néanmoins pour être en mesure de pratiquer ces choix, la croissance est nécessaire. Qu’on parle d’une meilleure éducation, de soins de santé, de l’âge légal de départ à la retraite, de plus de défense, de protection environnementale ou d’une baisse des impôts… Sans croissance, notre société n’a pas les moyens de aller de l’avant. Ce séminaire à Clermont-Ferrand m’a beaucoup fait réfléchir.